Le travail de Laurène Barnel est semblable à l’expérience des phosphènes : la luminosité peut aveugler tandis que c’est dans l’obscurité que l’on voit paradoxalement le mieux. Le cheminement qu’elle a imaginé pour son diplôme, intitulé Claire- voie, prend pour point de départ la lumière, dans laquelle il faut plisser les yeux afin de mieux voir ses vidéos : la chevelure flottante d’une jeune femme sautant sur un trampoline ou encore des parachutes résistant au vent au sommet d’une colline, oscillant entre l’amplitude d’un gonflement et un vacillement semblable à une flamme de bougie. Les fenêtres occultées, les lieux devenant de plus en plus sombres, les vidéos se distinguent davantage : le trampoline de tout à l’heure devient une surface de projection sans ombre, que l’on monte et démonte avec soin. Et puis, la nuit : impossible de décrire finement la sensation qui saisit lorsqu’on pénètre au sein de la chambre noire que Laurène Barnel a conçue, et dans laquelle les voitures, les passants et le mouvement des nuages présents de l’autre côté du mur s’impriment fugacement sur nos visages et nos corps avec une netteté déconcertante. C’est un travail du temps qu’elle a mis en place, qui prend comme modèle la pose nécessaire à la révélation de l’image photographique : une dernière vidéo, Aube, ne dit pas autre chose. C’est le ciel bleuté du petit matin qui blanchit, lentement.
Texte de Camille Paulhan au sujet de Claire-voie
Catalogue des Diplômés 2018, édition des Beaux-Arts de Paris